Avant d’aborder le levier fiscal spécifique aux LBO, il est nécessaire de comprendre la logique du recours à l’intégration fiscale. Ce régime permet à une société mère de consolider les résultats de ses filiales, aboutissant à une imposition globale du groupe.
Deux principaux régimes coexistent :
1) Le régime mère-fille
Applicable lorsque la société mère détient au moins 95 % du capital de sa filiale. Ce régime offre des avantages considérables :
- une quasi-franchise d’impôt sur les sociétés (IS) des dividendes remontés : 95 % des dividendes remontés par la filiale sont exonérés d’IS ;
- une imposition réduite aux 5 % restants : cette somme est soumise à l’IS au taux normal, mais elle est réintégrée dans la base imposable de la société holding au titre d’une quote-part de frais de charges.
Par exemple, pour un dividende de 100 000 €, l’impôt s’élève à 5 % x 100 000 € = 5 000 €.
Si le taux d’IS est de 25 %, l’impôt effectif est donc de 25 % x 5 000 € = 1 250 €.
Le taux effectif d’imposition des dividendes sous le régime mère-fille est ainsi de 1 250 € / 100 000 € = 1,25 %.
Parallèlement, la holding de reprise s’est endettée et supporte des frais financiers déductibles. Pour bénéficier de cet abattement, elle doit disposer de produits imposables. Or, les dividendes reçus de la société cible, son unique produit, sont presque entièrement exonérés d’impôts.
En l’absence de base taxable, la holding risque de ne pas pouvoir déduire la totalité des frais financiers.
Pour sa part, la société cible est présumée dégager des bénéfices, donc, redevable de l’impôt sur les sociétés. En théorie, elle pourrait être encline à s’approprier le déficit fiscal généré par les charges financières au sein de la société de reprise. Néanmoins, ce type de transfert est impossible. La seule manière de conserver l’avantage fiscal de ces frais est d’opter pour l’intégration fiscale.
2) Le régime d’intégration fiscale
Le régime d’intégration fiscale permet de consolider les résultats fiscaux d’un groupe de sociétés sous le contrôle d’une entité dominante. En d’autres termes, les bénéfices et les pertes des filiales sont pris en compte dans le calcul de l’impôt sur les sociétés (IS) de la société mère.
L’objectif est de compenser les pertes d’une filiale avec les bénéfices d’une autre, afin de réduire l’IS global du groupe.
La convention d’intégration fiscale comporte plusieurs engagements pour les sociétés membres du groupe :
- La filiale doit reverser à la société mère l’IS qu’elle aurait dû payer si elle n’avait pas été intégrée.
- La société mère établit un résultat fiscal d’ensemble en consolidant les résultats de toutes les filiales intégrées.
- La société mère paie l’IS dû pour l’ensemble du groupe intégré.
Par exemple, si la holding affiche un résultat avant impôt de -80 000 € et la cible de 100 000 €, le résultat fiscal consolidé de l’ensemble du groupe est de 20 000 € (100 000 – 80 000).
Avec la convention d’intégration, la cible paie à la holding l’IS, soit 100 K€ x 25 %= 25 K€.
La holding reverse à l’Etat 5 K€ (20 K€, le résultat fiscal du groupe, x 25 %).
Par conséquent, l’économie d’IS pour le groupe est de 25 K€- 5 K€ = 20 K€.
Intégration fiscale dans le cadre d’une LBO : les implications fiscales et économiques
Le régime d’intégration fiscale est un outil complexe qui requiert une expertise approfondie et une évaluation préalable de l’entreprise cible. Il est important de se faire conseiller par un professionnel, un cabinet de conseil en LBO, avant de souscrire à ce régime.
Dans ce schéma, la quote-part de frais et charges est réduite à 1 %. Ce régime permet de diminuer le coût de l’endettement utilisé pour financer l’acquisition de la cible.
L’intégration fiscale présente également l’avantage de sécuriser les facturations intra-groupes, notamment les conventions de « management fees ». En effet, en cas de rejet de la déductibilité de ces frais par l’administration fiscale, les conséquences négatives pour le groupe sont atténuées par la consolidation des résultats. Enfin, elle contribue à améliorer le profil de crédit du groupe en baissant sa charge fiscale apparente et en augmentant sa capacité de remboursement de la dette.
Dans un exemple concret de LBO :
- Avec une dette de 5 millions d’euros à 4 %, les frais financiers déductibles s’élèvent à 5 000 000 € x 4 % = 200 000 €.
- La cible affiche un résultat avant impôt de 500 000 €.
- Ainsi, la cible verse à la holding l’impôt sur les sociétés qu’elle aurait dû payer : 500 000 € x 25 % = 125 000 €.
- Le résultat fiscal consolidé s’établit donc à : 500 000 € – 200 000 € = 300 000 €.
- L’impôt sur les sociétés reversé par la holding à l’État s’élève alors à : 300 000 € x 25 % = 75 000 €.
- L’économie d’impôt réalisée est ainsi de : 125 000 € (IS versé par la cible) – 75 000 € (IS versé par la holding) = 50 000 €.
Cette économie d’impôt est destinée à financer le service de la dette d’acquisition de la cible, comprenant le remboursement du principal ainsi que des intérêts.